L’œil de l’expert S4S #1 :
Le 1er avril 2025 marquera l’entrée en vigueur du nouveau calcul des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale (IJSS). Cette date, fixée par le décret N° 2025-160 du 20 février 2025[1] publié au Journal Officiel, vient clôturer plusieurs mois d’incertitude pour les fonctions paie des entreprises.
Contexte de la réforme
En effet, l’abaissement du plafond du salaire journalier de référence, initialement proposée par le Gouvernement de Michel Barnier puis suspendu en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale[2], a finalement été retenu par le nouveau Gouvernement de François Bayrou[3], qui recherche à la clé près de 600 millions d’euros d’économies pour la sécurité sociale.
Un plafond plus bas, un versement complémentaire plus élevé pour l’employeur
Dans le détail, le plafond du revenu de référence, utilisé pour le calcul des IJSS, était auparavant fixé à 1,8 fois le SMIC, soit un montant de 3 243, 24 euros brut (sur la base du SMIC applicable en mars 2025) : il est désormais abaissé à 1,4 fois le SMIC, soit 2 522,52 euros brut (sur la base du SMIC applicable en mars 2025). Ce nouveau plafond concernera l’ensemble des arrêts maladie débutant à compter du 1er avril 2025.
Pour les salariés bénéficiant d’un maintien de salaire de la part de leur employeur, soit en application du code du Travail, soit en application de règles conventionnelles ou d’usages plus favorables, la baisse du montant des IJSS devrait augmenter le salaire maintenu par l’employeur.
En effet, l’obligation de maintien de salaire des employeurs s’entend quasi systématiquement déduction faite des IJSS. Aussi, pour les salariés dont la rémunération de référence est supérieure à 1,4 fois le SMIC, le montant des IJSS devant diminuer, le reste à charge de l’employeur devrait augmenter mécaniquement.
Pour les salariés ne bénéficiant pas d’un maintien de salaire de la part de leur employeur (directement ou via un organisme de prévoyance) et dont la rémunération de référence est supérieure à 1,4 fois le SMIC, le montant de leur indemnisation en arrêt maladie devrait mécaniquement baisser.
Une réforme à anticiper pour les services juridiques et RH
La mise en œuvre de cette réforme nécessitera une adaptation des systèmes de paie et des processus administratifs, afin de veiller que ces nouvelles règles soient correctement appliquées. Les responsables juridiques et RH doivent anticiper dès maintenant et s’outiller[4] pour absorber au mieux les conséquences techniques et opérationnelles de la réforme, sous un délai très court.
Par exemple, pour les sociétés pratiquant la subrogation, une attention particulière devra être apportée concernant les IJSS versées pour des arrêts ayant débutés avant le 1er avril 2025 et continuant à partir de cette date, surtout en cas de prolongations multiples. En effet, les CPAM pourraient indûment retenir un plafond à 1,4 fois le SMIC pour ces arrêts.
Enfin, les organismes gérant les régimes de prévoyance devraient également être impactés par cette réforme. En effet, le salaire maintenu par ces organismes est également entendu déduction faite des IJSS. Ces organismes pourraient donc augmenter leurs cotisations pour maintenir le niveau de garantie actuel. Ce serait la double peine pour les employeurs (augmentation du maintien de salaire à leur charge en cas d’absence maladie et hausse des cotisations des organismes de prévoyance).
Un exemple de calcul des IJSS avant et après la réforme Hypothèse : Un salarié à 35h/semaine a un arrêt de travail maladie de 10 jours qui débute en avril 2025. Son salaire brut soumis à cotisations les 3 mois précédent l’arrêt sont : Janvier 2025 : 3 500 € Février 2025 : 3 500 € ; Mars 2025 : 3 500 €. Le taux de cotisations du salarié sur la part plafonnée de la rémunération est de 25% pour la partie salariale et de 45% pour la partie patronale (par simplification). Le salaire brut du salarié aurait dû être de 3 500 € sans absence et le montant de l’absence brute calculée par son employeur est de 1 167 € (soit 1 167 € * 75% = 875,25 € nets dans l’exemple). L’employeur maintient le salaire net du salarié à 100%, déduction faite des IJSS (que l’on retient pour leur valeur nette dans notre exemple). Calcul : Avant la réforme, le salaire à retenir pour les 3 mois de référence aurait été plafonné à 3 243,24 € (sur la base du SMIC applicable en mars 2025). Aussi, le salaire journalier de référence aurait été de (3 243,24 * 3) / 91,25 = 106,63 € et le montant journalier de l’IJSS aurait été de 106,63 € * 50% = 53,31 €. En déduisant le délai de carence de 3 jours, le montant brut des IJSS est calculé sur la base de 7 jours, soit 53,31 € * 7 = 373,17 €. Le montant net des IJSS est de 373,17 € * 93,30 % = 348,17 €. L’employeur doit maintenir 875,25 € nets au salarié, soit 875,25 € – 348,17 € = 527,08 € nets déduction faite des IJSS nettes. Au regard du pourcentage de cotisations salariales retenu, l’employeur devra donc appliquer un maintien de salaire brut de 527,08 / 75% = 702,77 € pour maintenir un salaire net de 527,08 €. Le coût global de l’employeur pour le maintien de salaire, en prenant en compte les 45% de cotisations patronales est donc de 702,77 € * 145% = 1019 ,02 €. Après la réforme, le salaire à retenir pour les 3 mois de référence sera plafonné à 2 522,52 € (sur la base du SMIC applicable en mars 2025). Aussi, le salaire journalier de référence sera de (2 522,52 * 3) / 91,25 = 82,93 € et le montant journalier de l’IJSS sera de 82,93 € * 50% = 41,47 €. En déduisant le délai de carence de 3 jours, le montant brut des IJSS est calculé sur la base de 7 jours, soit 41,47 € * 7 = 290,29 €. Le montant net des IJSS est de 290,29 € * 93,30 % = 270,84 €. L’employeur doit maintenir 875,25 € nets au salarié, soit 875,25 € – 270,84 € = 604,41 € nets déduction faite des IJSS nettes. Au regard du pourcentage de cotisations salariales retenu, l’employeur devra donc appliquer un maintien de salaire brut de 604,41 / 75% = 805,88 € pour maintenir un salaire net de 604,41 €. Le coût global de l’employeur pour le maintien de salaire, en prenant en compte les 45% de cotisations patronales est donc de 805,88 € * 145% = 1 168,53 €. Le surcoût global de l’employeur est de 149,51 €. |
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051223695
[2] https://www.revue-fiduciaire.com/actualite/article/censure-du-gouvernement-quel-devenir-pour-le-plfss-l-apld-rebond-la-convention-d-assurance-chomage-ou-les-ijss
[3] https://www.lepoint.fr/economie/ce-que-prevoit-le-budget-de-la-securite-sociale-de-retour-a-l-assemblee-nationale-03-02-2025-2581379_28.php
[4] https://s4s-payroll-management.fr/audit-de-conformite-de-la-paie/