Fait générateur de cotisations sociales : une nouvelle expérimentation qui pourrait tout changer

L’œil de l’expert #8

Depuis juillet 2025, une nouvelle expérimentation portée par l’Urssaf vise à mieux encadrer les règles de rattachement des cotisations sociales. Ce test marque une nouvelle étape dans un processus de réforme entamé en 2018, et auquel les entreprises doivent se préparer dès à présent. Tour d’horizon des changements, et de leurs conséquences pour les entreprises.

Du paiement à la période d’emploi : une bascule historique

De longue date, le fait générateur des cotisations sociales était aligné sur la date de paiement des rémunérations. Ce principe de « parallélisme fiscal et social » permettait aux entreprises de déclarer les rémunérations au moment de leur versement, sans se soucier de la période à laquelle elles se rattachaient.

Mais depuis 2018, les règles ont changé. Le fait générateur des cotisations sociales est désormais la période d’emploi au cours de laquelle la rémunération est due, indépendamment de la date de versement. Cette évolution a introduit une complexité supplémentaire pour les gestionnaires de paie, notamment lorsqu’il s’agit de verser des primes ou des compléments de salaire plusieurs mois après la période concernée.

Une expérimentation lancée en juillet 2025

Ainsi, depuis le 1er juillet 2025, une expérimentation nationale a été mise en place afin de tester un renforcement de l’application de cette règle. L’objectif est de préparer le terrain pour une entrée en vigueur stricte prévue en janvier 2027, date à partir de laquelle les tolérances jusque-là accordées par l’Urssaf cesseront.

Jusqu’à présent, en cas de doute ou de rattachement erroné, l’administration acceptait encore dans certains cas une déclaration calée sur la date de paiement. Cette souplesse devrait disparaître progressivement, et les contrôles à venir s’appuieront de manière systématique sur le rattachement à la période d’emploi réelle.

Prenons l’exemple d’une prime exceptionnelle versée en juillet 2025, au titre d’une performance réalisée en mai 2025. En vertu des règles actuelles, cette prime doit être rattachée à mai, pour le calcul des cotisations sociales. Ce rattachement a un impact sur les plafonds mensuels, les exonérations et les éventuelles régularisations de charges.

Ce cas devient particulièrement sensible lorsque les bulletins de mai ont déjà été transmis et clôturés. Il suppose des recalculs rétroactifs, parfois complexes, que tous les logiciels de paie ne sont pas encore capables de traiter automatiquement.

En effet, au-delà de la gestion administrative, ce changement soulève des risques juridiques pour les entreprises, notamment en matière d’exonérations de cotisations. Celles-ci étant souvent calculées sur la rémunération annuelle, une régularisation tardive peut remettre en cause un avantage obtenu de bonne foi. Les cas les plus complexes concernent :

  • les commissions versées après le départ du salarié,
  • les rappels de salaire liés à des décisions judiciaires,
  • les indemnités versées avec retard ou suite à contentieux.

Une réforme à anticiper dès maintenant pour les entreprises

Pour se préparer sereinement à la fin des tolérances prévues en 2027, les entreprises peuvent d’ores et déjà adopter plusieurs bonnes pratiques :

  • Vérifier les fonctionnalités du logiciel de paie : il doit permettre les régularisations rétroactives et le rattachement correct aux périodes d’emploi passées.
  • Archiver soigneusement les données de paie, notamment les éléments variables, afin de pouvoir justifier et recalculer les cotisations si nécessaire.
  • Renforcer les contrôles internes lors des paiements différés, pour s’assurer du bon rattachement et éviter les erreurs.
  • Anticiper les cas sensibles, comme les primes exceptionnelles ou les départs de salariés.

L’expérimentation en cours ne bouleverse pas immédiatement les pratiques, mais elle marque un tournant dans l’approche de l’Urssaf. L’objectif est clair : assurer une meilleure cohérence entre la rémunération versée et la période à laquelle elle se rapporte. Pour les entreprises, cela suppose une vigilance accrue, une mise à jour des outils, et parfois une évolution des processus internes.