L’œil de l’expert S4S #14

Le calcul des heures supplémentaires est au cœur des préoccupations des entreprises, et les congés payés représentaient jusqu’ici une zone grise. La récente décision de la Cour de cassation modifie ce calcul et oblige les directions RH à repenser la façon dont elles organisent le suivi du temps de travail, tout en assurant une rémunération juste pour les salariés. Cette évolution pose des questions pratiques et financières importantes pour toutes les entreprises françaises. Retour sur une décision inédite, et passée inaperçue.

Des congés payés qui n’étaient pas pris en compte pour le calcul du contingent des heures supplémentaires

Jusqu’à la décision de la Cour de cassation du 10 septembre 2025, les jours de congés payés étaient exclus du temps de travail effectif retenu pour le calcul du contingent des heures supplémentaires pour les salariés dont le temps de travail était décompté à la semaine. Par exemple, un salarié travaillant normalement 35 heures par semaine, qui prenait un jour de congé, n’effectuait que 28 heures de travail effectif. Si ce salarié effectuait 6 heures en plus sur les quatre jours travaillés, ces heures n’étaient pas considérées comme supplémentaires, car le total des heures de travail effectif restait inférieur au seuil de 35 heures.

Cette méthode de calcul, largement utilisée par les entreprises, pouvait créer un décalage entre le temps réellement travaillé et la rémunération effective. Elle ne reflétait pas pleinement l’esprit du droit au repos payé et pouvait pénaliser le salarié, réduisant la lisibilité et l’équité du calcul des heures supplémentaires.

Une décision fondée sur des principes de droit européen

La décision de la Cour de cassation bouleverse cette pratique en jugeant que les jours de congés payés doivent être pris en compte pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Ce revirement vise à garantir que le salarié ne soit pas pénalisé financièrement lorsqu’il prend ses congés, alignant ainsi la règle française avec les principes de protection des salariés reconnus par le droit européen.

Désormais, un jour de congé payé est assimilé à du temps de travail effectif pour le calcul des heures supplémentaires : il compte comme 7 heures de travail effectuées. Même si le salarié ne travaille pas tous les jours de la semaine, les heures effectuées au-delà du seuil légal doivent être rémunérées en tenant compte des majorations applicables au titre des heures supplémentaires, ce qui transforme la pratique de la paie et du suivi du temps de travail au sein des entreprises.

Exemple chiffré : quand des congés payés vont gonfler les heures supplémentaires

Prenons l’exemple d’un salarié dont la semaine de travail est de 35 heures. S’il prend un jour de congé payé (soit 7 heures) et travaille les quatre autres jours 9 heures par jour, il totalise 36 heures de travail effectif. Avant la décision de la Cour de cassation, aucune heure supplémentaire n’était rémunérée et les 8 heures excédentaires réalisées étaient rémunérées comme des heures normales. Avec la nouvelle règle, les 8 heures excédentaires doivent désormais être payées comme des heures supplémentaires.

Pour les DRH, cette évolution n’est pas seulement technique : elle transforme la manière dont le temps de travail est piloté et suivi. Il ne s’agit plus uniquement de paramétrer correctement les logiciels de paie, mais de repenser l’organisation des équipes, de prévoir l’impact budgétaire des heures supplémentaires réévaluées, et de sécuriser les pratiques pour éviter tout contentieux.